Elle, l’anglaise.

Elle et moi, je ne devrais pas, mais je nous vois déjà demain,
Elle ne m’oubliera pas ? 
Moi, je veux la voir dès demain :

Lors d’un chic rendez-vous imaginaire,
histoire de me souvenir de son charmant accent anglais,
me murmurer des mots qu’elle ne m’a, pourtant, jamais 
prononcé
“ je t’aime ” ou “ à plus tard ”.
Je veux la voir maintenant pour mémoriser les traits de son visage.

Ses boucles de cheveux châtains formaient un bouquet au sommet de sa  tête.         
Son pantalon droit, retroussé, révélait ses impudiques chevilles ; 
puis ses poignets assortis, tenaient ses mains souvent égarées,
sur mes hanches ou sur la mienne.
Sa posture de femme gentleman m’invitait à valser, le long de son allure tirée vers le ciel. 

J’entends encore sa voix enrouée par la fumée,
enjouée d’ajouter “love” 
à chaque phrase écoulée. 

Elle me disait qu’elle lirait mes poèmes, 
peut-être pas celui-ci.
Je repense à cette amourette sans preuves et sans indices.
Si seulement elle m'avait aimé, je n’aurais pas écrit.


Ce travail se place comme un questionnement plastique et littéraire sur la lettre d’amour, dans ce cas précis, un poème destiné d’abord au regardeur et non à la personne décrite. Je trouve plus de confort à me confesser à vous plutôt qu’à Elle. 
Le cadre sert l’aspect décoratif du travail, faisant aussi référence à l'espace intime de la maison et à son confort . Il fige aussi l’image dans le temps. Le support de l’objet récupéré détient du poids émotionnel, il transmet davantage de ressentis, il arbore une nouvelle fonction.
Le médium de la sérigraphie quant à lui crée des aplats et des superpositions, toujours dans cette volonté de figer les images et de multiplier les combinaisons de compositions et de couleur.
L’enjeu est de traduire une relation énigmatique et éphémère à la fin abrupt. Celle-ci, sans preuves d’amour concrètes (baiser, touché), tout se déroulant dans les mots, dans le regard, dans l’instinct, dans les sentiments. Ce projet restitue cette déclaration du point de vue hypersensible, débordant de stimuli visuels, couleurs, images et symboles qui dépassent l’enveloppe, presque transparente. Comment contenir tout cet amour en soi ? 
Comme un retour à l’envoyeur qui n’aurait pas trouvé son destinataire, il ne me reste que le regardeur à qui transmettre ce surplus, ce trop plein du sentiment amoureux.
Sérigraphie, rouge à lèvres et pastel gras sur tissu, 2023
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